Article extrait du magazine
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daté du 3 décembre 1996
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Le pivot de l'année
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Voici le but historique de Wimbée reconstitué sur ce dessin.
Un corner de la droite de Schemmel (1) est repoussé vers l'envoyeur (2) qui recentre aussitôt dans le paquet (3).
Lecluse, au second poteau, remet cette balle au centre (4).
Wimbée amortit le ballon qui glisse un peu derrière lui.
Le gardien nancéien pivote et parvient à tirer (5).
Le ballon, touché par Régis, monte sous la barre et trope Nadon, masqué au départ du tir par trois partenaires situés devant lui.
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| Wimbée, label histoire
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Pour la première fois en D1, un gardien de but a marqué un but en
situation de jeu.
Il se nomme Grégory Wimbée, évolue à Nancy avec lequel il a égalisé face à Lens durant les arrêts de jeu.
Un exploit historique.
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« Ma parole Greg, tu es devenu une vraie star de la telévision ! »
L'observation fuse, ironiquement amicale, alors que Grégory Wimbée attend depuis de longues minutes dans l'atmosphère humide devant les vestiaires de Marcel-Picot, vendredi soir, face aux lampes agressive qui flanquent l'oeil inquisiteur des caméras, que l'oreillette de Canal + veuille bien le présenter sur les écrans de l'Hexagone.
Enfin, un crachotement, il grimace :
« Je n'entends pas bien... oui, là ça va. »
Et il commence ou continue à disserter sur ce but qu'il a marqué quelques instants auparavant, un large balayage du pied devenu historique parce que sans précédent en Première Division française.
Une heure plus tard, il se trouvait à la même place, téléphone portable à l'oreille, pour répondre à l'invitation de TF1 afin qu'il se rende dimanche matin sur le plateau de Téléfoot.
Heureusement qu'il avait pris la douche et s'était rhabillé avant de sortir.
Quand il revient dans les vestiaires, son sac et ses affaires traînent encore dans la pièce désertée depuis longtemps.
Un peu de calme, du répit avant de plonger dans la salle du dîner des sponsors où il sera inévitablement accroché de table en table.
Seul (les deux confidents de la presse écrite qui se sont attardés se fondent depuis belle lurette dans le décor), il regarde dans le vague, il visionne son exploit.
Un sourire flotte sur ses lèvres, trahissant une profonde joie intérieure.
Car il n'est pas du genre expansif, le Greg.
Ce n'est pas un causant, comme on dit dans la campagne lorraine.
Pas renfermé mais le genre qui ne parle pas pour ne rien dire. Pourtant, il se laisse un peu aller.
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« Je ne devrais pas, mais je suis heureux »
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« Quelle semaine !
Je tends le dos, je me demande ce qui va m'arriver.
Il y a comme cela des séries.
Cette semaine, j'étais à France 2, ce soir à Canal, demain a TF1. A croire qu'à la 2, ils avaient senti le coup.
Cela n'avait pas grand-chose à voir pourtant.
Dans son émission, Jean-Luc Delarue évoquait le stress.
Il a pensé, entre autres, au gardien de but, l'angoisse de l'homme seul.
Pourquoi moi ? Simplement parce que Bernard Lama préparait le
match contre l'Olympique de Marseille (l'émission avait été enregistrée la semaine précédente), que Mickaël Landreau, de Nantes, le plus jeune de D1, n'avait pas été libéré par Jean-Claude Suaudeau.
On a recherché ensuite parmi les mal classés, c'était Bruno Valencony ou moi, j'étais disponible. »
Courte pause, regard qui décroche, le sourire s'élargit.
« Je ne devrais pas, parce que le nul pour nous n'est pas un bon résultat, mais je suis heureux.
Imaginez qu'hier, c'était le premier anniversaire de mon fils Théo, je m'en souviendrai. »
D'autres aussi, sans doute, auront noté le nom de Wimbée sur leurs tablettes.
Avant cela, déjà, les Espagnols s'étaient manifestés pour connaître le statut du gardien nancéien et ses intentions dans l'avenir.
Il avait déjà une carte de visite d'une vingtaine de sélections en Espoirs (quatre fois titulaire), toutes les sélections nationales de jeunes, meilleur gardien de Deuxième Division à Charleville qu'il a fréquenté de 1992 à 1994.
Et, paradoxalement, alors qu'il a été formé à Nancy où il joue depuis qu'il est pupille aucune indemnité de formation à l'ASNL qui, par un prêt déguisé à Charleville, s'est privé de cette ressource.
A vingt-cinq ans, le be âge pour un gardien de but, libre de tout engagement, Greg sait qu'il ne manquera pas de propositions à l'intersaison et que Nancy, bien pourvu avec Fred Roux, qui a déjà fait ses preuves, et Bertrand Laquait, retenu en sélection des moins de 20 ans avec le Nantais Landreau, risque de ne pas surenchérir sur les offres, surtout en cas de descente en D2.
Pourtant, il ne s'emballe guère.
« Aller à l'étranger, cela peut être tentant mais il y a les gosses, je pense à leur éducation, je préférerais un club français.
Cela dit, je me plais bien ici, si nous restons en D1. »
| « Ce but, c'est presque un gag... »
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Quel regard Wimbée porte-t-il sur son action ?
Lucide, le Nancéien...
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« Je n'étais pas monté pour égaliser.
Dans mon esprit, c'était seulement pour mettre la pression ajoutée à la panique dans la défense de Lens avec le surnombre. »
Grégory Wimbée n'avait surtout pas l'intention de profiter de son gabarit (avec 1,93 m, il est l'un des plus grands, sinon le plus grand, gardiens de D1).
« Non, vous savez, moi, de la tête, je suis nul, je n'ai pas le timing.
D'ailleurs, c'est Wallemme, je crois, qui m'a largement dominé sur le premier tir de Schemmel au corner.
Il a repris, puis Lécluse a remis le ballon sur moi, j'ai ratissé, je me suis retourné, j'ai tiré dans le paquet.
Il y a eu un ricochet et le but.
Je n'avais jamais éprouvé la joie de marquer sinon dans la séance de tirs au but en Coupe de France, ce n'est pas pareil.
Il paraît même que c'est une première en D1 dans une action de jeu.
J'en suis heureux.
J'avais déjà vu à la télé des gardiens buteurs.
L'an dernier, Peter Schmeichel en Coupe d'Europe avec Manchester United contre Volgograd, mais autant que je me souvienne, cela n'avait servi à rien, son équipe avait été éliminée.
C'était un but de raccroc, comme le mien...
Il y avait eu aussi un Autrichien et puis surtout ce Guyanais qui avait traversé tout le terrain avec le ballon.
Mais c'était dans un Championnat plus facile.
Malgré tout, je les avais enviés à chaque fois d'avoir goûté à ce plaisir rare pour un gardien.
Maintenant je connais, je fais partie du club. »
Même si l'on éprouve un plaisir personnel qui quelque part le culpabilise un tantinet, Greg Wimbée rejette toute gloriole, tout triomphalisme qui serait mal interprêté.
Il n'a jamais voulu donner la leçon ni taper sur la table.
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Appelez-le Capitaine !
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« Ce match, je l'ai vécu en tant que gardien avec les devoirs de mon poste, sans jamais ressentir de l'irritation ou du dépit parce que mes partenaires ne parvenaient pas à marquer.
Je sais ce que peut être la condition d'un gardien qui n'est pas en confiance.
Les coups malheureux s'enchaînent sans qu'on y puisse rien.
Mes copains devant ont déjà fait leurs preuves en d'autres circonstances, sinon ils ne seraient pas là.
Il suffit parfois d'un déclic pour que ça marche bien.
Je ne m'estime pas en droit d'adresser le moindre reproche à un partenaire pour un ratage.
Un pro est capable de s'analyser.
Moi-même, je m'en veux, par exemple, de n'avoir pas esquissé un geste sur le but que nous avons encaissé.
J'ai eu quelques secondes de déconcentration pour placer quelqu'un sur Delmotte.
Le football est un sport collectif avec chacun un rôle défini.
Le mien est d'éviter les buts et de bien relancer.
Ce que j'ai réussi contre Lens, c'est hors programme.
Une péripétie exceptionnelle, un réflexe de dernière chance, presque un gag.
Cela s'arrête là.
Je n'ai pas le goût ni le talent pour jouer ailleurs que dans ma cage. »
Quand on lui parle de célébrer l'événement, Greg marque un temps d'hésitation.
« Il était difficile de le faire spntanément, nous n'avons pas gagné...
Mais je le ferai dans la semaine parce que, de toute façon, je désirais arroser mon premier brassard de capitaine. »
En effet, cerise sur le gâteau, Lazlo Bölöni avait décidé, en l'absence de Paul Fischer, suspendu, de confier cette responsabilité et ce honneur à Wimbée.
« Greg le mérite du fait de son ancienneté au club, de ses performances sportives et de son influence sur le jeu. »
Son influence sur le jeu, l'entraîneur nancéien ne croyait pas si bien dire...
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Le match ...
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LA FICHE DE LA RENCONTRE
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20ème journée du Championnat de France de Division 1
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Nancy, le 29/11/1996
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| Stade Marcel Picot
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5.266 spectateurs
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| arbitre : M. Derrien
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NANCY
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| (0)
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| Entraîneur : L. Bölöni
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| Wimbée : 90'
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| Wimbée - Schemmel - Lécluse - Rabesandratana - Fanzel - Avenet - F. Biancalani - Séchet puis Oruma (71') - Capiaux puis Rambo (78') - Bonora puis Eloi (71') - Gray
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LENS
| 1
| (0)
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| Entraîneur : S. Muslin
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| Régis : 77'
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| Nadon - Adjovi-Boco - Wallemme - Régis - Delmotte - Dehu - Arsène - Debève - Meyrieu - Camara puis Lachor (87') - Brunel puis Rytchkov (63')
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LES ACTIONS DU MATCH
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3' :
Bonora se présente devant Nadon mais croise trop son tir.
18' :
Corner repoussé par nadon.
Séchet au ras du poteau.
21' :
Camar, bien placé, gêné Wimbée, rate la cage.
47' :
Gray est fauché par Régis.
Penalty.
Rabesandratana le met à côté.
77' :
Corner tiré par Meyrieu.
Régis reprend de la tête (0-1).
90' :
Wimbée, monté sur l'ultime corner, récupére un ballon qui traîne et, en pivot, marque à travers un rideau de jambes (1-1).
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